La peur de réussir
Certains de mes patients me disent qu'ils ont peur de réussir.
La raison principale serait : « qu'ils ont peur d'attirer les regards sur eux, peur des jalousies ou du poids de la réussite ». Certains aussi considèrent que la réussite passe par la sensation d'écraser les autres.
Je m'interroge sur cette peur. N'est-elle pas une peur plus fondamentale ? Une peur qui va au-delà de la peur dans la hiérarchie, des responsabilité, etc..
Ne s’agirait-il pas plutôt de la peur du bonheur, de la joie, toute simplement de la peur de vivre ? De vivre pleinement je veux dire, de vivre entièrement.
S’il est bien connu que nous sommes câblés pour rechercher tous les dangers qui peuvent nous tomber dessus, nous ne sommes pas conditionnés pour être heureux.
Combien d’êtres ont déjà pensé : « au pire, je meurs ! », ou dans la version plus quotidienne : « il y a de fortes probabilités que cela n'aille pas jusqu'au bout du projet ».
Nous envisageons quasiment toujours des scénarios soit catastrophiques soit d'échecs. Mais que se passerait-il si nous réussissons ?
Notre éducation ne nous pousse pas forcément dans la réussite. Enfant, il ne faut pas aller plus vite que les autres, il ne faut pas avoir de meilleures idées que les adultes par exemple, cela passerait pour de l’impertinence ou de l’insolence. Il faut pourtant réussir ce que nos profs demandent, mais il ne faut pas célébrer nos joies de manière visible, ostentatoire. Très souvent, la peur, (celle de jugement) serait de se voir qualifié soit d'opportuniste, ou pire, de prétentieux.
« Pour vivre heureux, vivons cachés ! » dit le vieil adage, cependant nous ne pouvons pas vivre sur une île déserte indéfiniment.
Il existe forcément une manière de vivre pour que chacun puisse être heureux de sa réussite tout en la partageant et en incitant son entourage à en faire autant. Comment puis-je m'épanouir sans me sentir attaqué par la critique mais en valorisant ma réussite ?
En observant la nature nous pouvons remarquer que les arbres offrent une belle démonstration de réussite et de partage.
Il y a quelques années, des scientifiques ont pu montrer que les arbres communiquent entre eux pour se prévenir de danger ou se partager un territoire. Dans de nombreuses revues et conférences, Francis Hallé parle de l’intelligence du monde végétal et notamment celle des arbres comme les cyprès qui donnent l’alerte incendie aux arbres dans le sens du vent à des km afin qu’ils libèrent toutes leurs essences et évitent de brûler.
Dans leur article, Fournier et Moulia prennent l'exemple des arbalètes des dames qui s’envoient un message de promiscuité lorsque les inflorescences de différents pieds sont proches et pourraient rentrer en contact. Echangeant pour optimiser leur croissance, elles réorientent la trajectoire afin de ne pas se gêner. Dans cet article, les auteurs s'en amusent, je cite : « les humains que nous sommes, ne peuvent qu'être impressionnés par autant de sens collectif ». En effet, croitre personnellement, réussir, atteindre ses objectifs ne veut absolument pas dire écraser les autres. Bien au contraire, nous pouvons nous verticaliser, nous élever, dans la complémentarité. Ainsi, si mon voisin réussi dans un domaine où je souhaiterai en faire autant plutôt que de le jalouser, je devrais me laisser guider pour en faire autant.
Ce qui fonctionne dans un sens, trouve sa réciprocité en retour. Apprendre de l'autre ne veut cependant pas dire copier, ou voler l'idée. Non... cela n'aboutirait pas !
Nous avons chacun notre personnalité propre, nos perceptions, nos qualités et nos défauts. Nous avons surtout un Rêve Personnel qui nous appartient. Même si mon projet ressemble à celui du voisin, ce rêve personnel est (comme son nom l'indique) personnel... unique !
Si mes amis les arbres communiquent avec moi pour ne pas me faire d'ombre, alors je peux voir les autres arbres croitre sans me sentir menacé, ni être obligé d'accélérer ma pousse, et peut être même que ma pousse permettra de libérer un espace en dessous et permettre la croissance d’arbustes, et de jeunes plantes en pleine expansion en dessous.
Si nous « poussons » la métaphore plus loin, Réussir et Grandir, sont des manières saines de cultiver et de préserver notre écosystème environnemental et permet aux autres (plus jeunes, plus fragiles, moins érudits) de grandir également.
Chacun peut donc être, par sa propre réussite, un « vortex de croissance »!!! Ce n’est pas magnifique ?! Vous pouvez aspirer l'environnement, le transformer et devenir ainsi une personnalité inspirante ou simplement rayonner grâce au bonheur que vous procure cette réussite.
Ayant déjà été au contact de personnes éveillées, leur simple présence vous transforme, vous éclaire.
Darwin, dans sa théorie de l'évolution, concevait la sélection naturelle : perception naturellement compétitive de la loi du plus fort. Seul le plus fort, le plus avantagé pourra survivre ou coloniser son environnement. Notre société, depuis de siècles, voire des millénaires, semble se focaliser dessus. Très tôt à l'école, on nous inflige des notes, des classements qui déterminent une ligne de vie...
A 8 ans, si tu es le premier de la classe, un grand avenir t’est promis. Pour les autres, c’est foutu, l’échec scolaire les condamne à « rater » leur vie... les portes de leurs futures banques sont déjà fermées et il est probable que leur future progéniture ait déjà un pied dans le même avenir. Cependant, Darwin exprime une seconde notion. Il évoque la coopération intra-espèce et inter-espèces. Autrement dit Darwin exprime que l'entre-aide ou l'altruisme fait partie des scénarii de survie, bien loin du « chacun pour soi ». La coopération intra-espèce est illustrée par les bancs de petits poissons se déplaçant en groupe extrêmement compact pour dissuader les grands prédateurs. Toutes les symbioses, tous les écosystèmes illustrent la coopération inter-espèces. Rappelons que notre tube digestif, ou notre peau compte dix fois plus de micro-organismes que de cellules humaines. Quid de la vision hygiéniste, où il faut détruire ces derniers au profit de l'espèce humaine ? Que ce soit le symbiote ou l’hôte, une fois que les deux sont réunis ils voient leurs capacités mutuelles se décupler. Les termites ne pourraient pas arriver à la fin d’une charpente, si elles ne prenaient pas soins des champignons et autres micro-organismes qui leurs permettent de digérer le bois.
Rappelons l’expression « seul je vais plus vite mais à plusieurs, nous allons plus loin ». La coopération est une solution d'adaptation économe en énergie, à partir du moment où chaque individu est conscient de ce qu'il apporte, de ses qualités et de ses limites.
Garder à l'esprit que nous œuvrons pour une force, un projet plus grand que soi, qui ne nous appartient pas serait l'une des meilleures valeurs pour permettre au groupe de réussir. Raisonner de cette manière permet de nous protéger des écueils de l'Ego à s'avoir : la possession, la rivalité, la dualité, l'avarice, la jalousie, la colère, etc.… et permettrait ainsi de s'épanouir dans l'échange, le partage et la communication.
Cessons de vouloir être brillants !!! C'est fade de briller !!!
Soyons étincelants.
Si la lune reflète les rayons du soleil, elle dépend de ce dernier pour apparaître à nos yeux.
Le soleil, lui, rayonne. A lui seul, il peut illuminer le monde, sans artifice, de manière constante.
Ne soyons donc pas brillants car cela signifierait que nous avons besoin d'un tiers pour exister, notamment le regard d'autrui et ce postulat amène plusieurs travers :
Celui de toujours faire en fonction des autres,
La volonté d’être remarqué,
La nécessité de toujours faire, et bien faire plutôt que d’être,
Le risque de faire l'économie de la nouveauté, de la créativité, de l'originalité,
La dépendance à un système...
Rayonner signifie puiser au plus profond de soi l'énergie, l’imagination, la création et de les partager sans aucune contrepartie. C'est l'acte altruiste par excellence. C'est se laisser transpercer par l'énergie de la Vie.
La personne scintillante n'aura pas pour volonté de se suffire à elle-même, car le rayonnement inclus l’échange, le partage et les interactions mais elle se sera débarrassée de toutes les couches représentatives de l'Ego, qui incluent les liens sociaux (nous parlons de lien pas d’interaction), des peurs et tous les défauts qui entravent notre vrai moi de s’exprimer. Si nous nous considérons comme un oignon - merci Shrek- le travail personnel consiste à s'éplucher des années durant pour atteindre ce cœur sensible que d'autres appellent l’âme, la vérité en somme.
Les couches sont la métaphore de nos conditionnements, de nos croyances limitantes. L'être réalisé, comme certains moines bouddhistes, certains grands génies, sont en contact direct avec leur âme, le Souffle de Vie ou la Source. Ils n'ont plus besoin de tenir une image, de faire semblant, de faire plaisir, pour avoir une identité. Ils sont en contact avec leur identité pure alors ils peuvent rayonner !
Autrement dit, il s'agit de se lever chaque matin avec la joie d’être à l’endroit où l’on doit être, de faire ce qui nous anime au plus profond de nous, ce dont pourquoi nous avons été créés.
Ne croyez pas qu’il y ait une hiérarchie des chemins de vie, cela ne se limite pas à notre métier ou notre condition sociale, un chemin de vie ne se résume pas à la représentation matérialiste terrestre. Comme pour le corps humain, aucune cellule n'a plus d'importance qu'une autre. Toutes concourent à l'homéostasie de l’organisme. Ainsi, le neurone n'a pas une place plus haute, qu'un myocyte, ou qu'un adipocyte. Chaque individu est une cellule de l’organisme Humanité. Nous devons alors peut être élargir nos esprits... Un neurone ne se moque pas d'un adipocyte car sans réserve énergétique il meurt et nous n’avons jamais vu un globule rouge d’un globule blanc…Ca n’aurait aucun sens !
Pour en revenir à notre histoire de réussite, quand j’entends des phrases telle que :
« J'ai peur de scintiller car si j'émets de la lumière, je vais attirer les regards sur moi et probablement de la jalousie. »
Voici une belle représentation des liens sociaux, à ne pas confondre avec les interactions sociales qui rendent chacun libre d’être lui-même, sans attache, sans jugement. Alors sommes-nous responsables du regard des autres ?
Amaho nous préconise d’être transparent à la Vie. Un verre n'a pas d’ombre, il peut se laisser baigner par la lumière. Être transparent, signifie être honnête avec soi. Si je me connais profondément, que j'accepte ma nature profonde, je peux alors être nu au monde avec mes défauts mes qualités, mes forces et mes faiblesses. Alors de quoi puis-je avoir peur si quelqu'un me perce, si on me met à jour ?
Combien de masques portons nous encore ? Et que cachent ces masques ?
Avoir une personne scintillante à coté de soi met probablement à jour nos imperfections, et ces couches que nous souhaitons dissimuler, qu’il nous reste à virer avant d’être pleinement vrai et en accord avec notre moi profond. Elle nous renvoie sans le vouloir à nos propres crispations, et réveille en nous nos monstres s’il nous en reste et nos qualités s’il on veut bien les voir en face elles-aussi.
N'ayons donc pas peur d'être éclairé ou d'éclairer les autres. Rendons visibles nos monstres (du latin monstranum : objet à montrer). Ce n'est donc aucunement la source de lumière qui fait de l'ombre mais l'objet en lui-même. Or, il est une chose à savoir, c’est que nos monstres sont doivent être mis à jour pour développer nos qualités car c’est d’abord en les reconnaissant que nous pouvons les apprivoiser.
Alors rayonnez en toute modestie, non pas pour éblouir tel le spot de lumière, en salle d'interrogatoire, dirigé dans la tronche de l'accusé. Rayonnez avec douceur. Rayonnez car cela vous réchauffe le corps de diffuser une douce lumière. Rayonnez en modestie avec humilité. Rayonnez car la lumière au contact d'une autre source lumineuse ne se concurrence pas mais s'accumule ! Alors Rayonnez sans crainte. Rayonnez humblement comme un phare qui permet aux marins dans la tempête de trouver leur voie. Rayonnez avec sagesse, sans attendre de résultat. Rayonnez et si cela dérange votre entourage car il y voit une silhouette noirâtre à leurs pieds, entourez les d’une lumière encore plus douce afin qu’elle ne les effraye pas mais les aide simplement à apprivoiser cette ombre en eux.
La lumière passe partout où on lui offre de la place. Contemplons alors nos zones d'ombre, voyons-les comme une chance d'évolution, une piste à explorer. Une fois apaisés et rassurés, apprivoisons nos monstres pour les faire danser, transmutons-les, purifions les pour qu'ils deviennent alors transparents, limpides !
Une fois que nous atteignons l'absence d'ombre, nous avons la chance de nous sentir nous aussi commencer à scintiller... de nous remplir d'une énergie que nous avions oublié : celle de l'Amour, ce souffle puissant que nous avons reçu mais dont la fumée de notre pollution émotionnelle égotique a occulté. Un jour peut-être, chacun de nous sortira de son brouillard existentiel pour se laisser traverser par cette Lumière pure et tel un prisme rayonnera sur son environnement sans attente, sans objectif, sans jugement ni redevabilité. Un jour peut-être. Alors à ce moment, nous sentirons la vie en nous pleinement accomplir son dessein, pleinement couler dans nos veines et alors, la peur de réussir aura totalement disparue !
Merci à Béa pour la relecture